POSITION DU MINISTRE ITALIEN DES AFFAIRES ETRANGERES SUR LA MONNAIE UNIQUE ET LA PHASE FINALE DE L'UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE.
(Agence Europe, Texte de la Semaine, 26-11-1994)
Le 23 novembre, le ministre des Affaires étrangères italien Antonio Martino a fait à l'Institut Royal des Relations Internationales, au Palais d'Egmont à Bruxelles, une conférence sur "L'avenir monétaire de l'Europe", précisant que les opinions qui y étaient exprimées étaient personnelles et ne reflétaient pas nécessairement la position du gouvernement italien. A la presse, M. Martino, qui est économiste, a dit qu'il s'agissait plutôt des idées d'"un professeur"; elles s'éloignent sensiblement du chemin prévu par le Traité de Maastricht vers l'UEM et la monnaie unique.
1. Contre les taux fixes et les critères de convergence pendant la période préparatoire. "Malgré l'expérience des dernières vingt-cinq années, nous continuons à partir de l'hypothèse que les taux fixes soient presque inséparables de l'Union monétaire, et, même, un pas nécessaire dans cette direction. Personnellement, je considère cette position inacceptable (..); ce n'est pas vrai que des taux de change fixes approcheraient l'Europe de l'objectif de l'unification monétaire. En fait, il est plus probable que se vérifie justement le contraire parce que dans un régime de taux fixes, les objectifs de politique interne apparaissent parfois incompatibles avec l'équilibre extérieur. Lorsqu'une telle dichotomie apparaît, la seule alternative à la modification des taux de change consiste dans un transfert du poids de l'ajustement sur les macro-variables internes. L'équilibre de la balance des paiements est dont atteint sans modifier la parité de change mais au prix de sacrifier la stabilité interne
"Des considérations analogues valent pour les critères de convergence adoptés à Maastricht. Alors que la discipline financière est sans doute souhaitable en soi, il est difficile de comprendre pour quelle raison la convergence financière devrait constituer une condition préalable pour la réalisation de la monnaie commune. La Belgique et le Luxembourg ont déjà une monnaie commune malgré les fortes différences qui persistent entre leurs finances publiques. Quant à la performance économique, les différentes régions d'un même pays peuvent différer considérablement par la structure économique, le taux de croissance et de chômage. Cependant, toutes ces différences ne les empêchent pas d'utiliser la même monnaie. La conclusion évidente est que la convergence ne représente ni une condition nécessaire, ni une condition suffisante pour l'unification monétaire".
2. Pour une Constitution monétaire européenne. "Les préoccupations pour la question de la souveraineté monétaire sont pleinement justifiées. La monnaie compte et, comme a souvent répété Milton Friedman, elle est trop importante pour être laissée à la seule discrétion des banques centrales. Les motifs pour lesquels on s'inquiète de la gestion monétaire de la part des banques centrales nationales sont encore plus fondés s'ils se réfèrent à une monnaie unique européenne. Une mauvaise gestion monétaire au niveau national peut être un désastre, mais sur échelle européenne elle serait une catastrophe de portée intolérable (..)
"Une monnaie unique pour l'Europe serait souhaitable seulement si son adoption comportait la fin de politiques discrétionnaires de courte période. Si les nations européennes parviennent à un consensus sur une sorte de Constitution monétaire, rendant impossible la manipulation discrétionnaire des agrégats monétaires, la présence d'une monnaie commune européenne augmenterait considérablement la stabilité générale aussi bien en Europe que dans le monde. On pourrait penser à une règle qui fixe le taux de croissance de certains agrégats monétaires à un certain niveau, imposant son maintien pour une période de temps prolongée (par exemple entre trois et cinq ans) (..)
"Le problème est que, même parmi ceux qui croient en de rigides règles monétaires, il n'y a pas de consensus général sur le type spécifique de règle à adopter. Ce problème est toutefois moins important que la décision de se doter d'une règle (..) Une fois accepté le principe de réglementer la création de monnaie, le choix de la meilleure règle possible sera déterminé par l'expérience acquise au fur et à mesure et par les progrès faits en matière d'analyse".
Antonio MARTINO