LES DIRIGEANTS DES PAYS DE L'EST SERONT FINALEMENT
INVITES AU SOMMET D'ESSEN.
par Lucas Delattre
(Le Monde, 1-12-1994)
Contrairement aux informations diffusées il y a quelques jours, les chefs d'Etat et de gouvernement des pays d'Europe centrale et orientale seront finalement conviés à se rendre au sommet de l'Union européenne qui aura lieu les 9 et 10 décembre prochains à Essen. Cette invitation, qu'on n'attendait plus, devait être annoncée par le chancelier Kohl et le président Mitterrand au cours de leur conférence de presse commune, mercredi 30 novembre à Bonn.
Les dirigeants des six pays liés par un traité d'association à l'Union européenne (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie, Bulgarie, Roumanie), avaient manifesté leur déception après avoir appris qu'ils ne seraient pas invités au sommet. Leur présence se limitera au déjeuner de clôture du Conseil européen. Il s'agira néanmoins d'une première.
» Dialogue structuré
Le 31 octobre, à Luxembourg, les ministres des affaires étrangères de ces pays avaient été invités par leurs homologues des douze à discuter autour d'une table. C'était la naissance du "dialogue structuré", qui vise à analyser, point par point, les mesures à prendre pour rapprocher les pays de l'Est de l'Union européenne. Agriculture, transports, politique étrangère et de sécurité, etc., tous les dossiers doivent être passés au peigne fin dans la perspective d'une adhésion future. A partir de 1995, les ministres des affaires étrangères de ces pays participeront deux fois par an au Conseil européen. Le Gouvernement de Bonn voudrait que les chefs d'Etat et de gouvernement de ces pays soient invités, quant à eux, une fois par an à l'un ou l'autre des sommets européens.
Tant que la stratégie dite de » pré-adhésion n'était pas définitivement adoptée (tel est précisément l'objet du sommet d'Essen), le chancelier Kohl hésitait à inviter les dirigeants de l'Est à Essen. Il ne souhaitait pas, en outre, que l'Allemagne se mette trop en avant sur ce dossier, afin de ne pas attirer sur elle le moindre soupçon de » dérive vers l'Est . Pourquoi a-t-il soudain changé d'avis ? » Il y a eu des pressions de la part des pays d'Europe centrale , déclare-t-on laconiquement à Bonn. De plus, la France avait fait savoir qu'elle ne voyait pas d'objection à faire participer les responsables de l'Est, sinon aux séances de travail des douze membres de l'Union, du moins à l'un des repas pris en commun. Les ministres des affaires étrangères de l'Union, réunis lundi 28 novembre à Bruxelles, interrogés par Klaus Kinkel, se sont prononcés » majoritairement pour une invitation , affirme-t-on de source allemande.
Les consultations franco-allemandes devaient notamment porter, mercredi 30 novembre, sur la situation en Bosnie. Le chancelier Kohl devait s'employer à rassurer François Mitterrand sur le maintien de la cohésion du » groupe de contact . Lundi 28 novembre, au cours d'un congrès de la CDU, le parti d'Helmut Kohl s'était prononcé en faveur d'une levée de l'embargo sur les armes au profit des Bosniaques. » Le chancelier a voulu répondre à une émotion profonde de son parti devant les événements de Bihac , explique-t-on dans son entourage, en ajoutant que M. Kohl » n'a pas changé de position depuis le sommet de Copenhague : la levée de l'embargo sur les armes doit être envisagée comme une solution de dernier recours en cas d'échec des négociations de paix .
Lucas DELATTRE