LES PARTISANS D'UN REFERENDUM SUR L'ELARGISSEMENT DE L'UNION EUROPEENNE SONT DE PLUS EN PLUS NOMBREUX
de Marc Roche
Le Monde, dimanche 25 décembre 1994
Le débat sur la tenue d'un référendum portant sur l'approfondissement du processus d'intégration européenne a contribué à rouvrir une controverse au sein du Parti conservateur britannique, au pouvoir.
Lors de la bataille, l'an dernier, sur la ratification du traité de Maastricht, le premier ministre, John Mayor, s'était déclaré "personnellement" hostile au principe référendaire, qu'il estimait contradictoire avec le système parlementaire britannique. Or, au cours des dernières semaines, l'hôte de Downing Street a atténué cette opposition à pareille mesure réclamée par les "eurosceptiques" de son parti. "On peut concevoir qu'il existe des raisons qui justifieraient un référendum sur certaines questions et je ne vais pas les exclure", a-t-il déclaré dans un entretien au 'Financial Times". M.Major a toutefois estimé que les décisions de la conférence intergouvernementale de 1996 ne devraient pas justifier la tenue d'un référendum.
Pour bon nombre d'observateurs, en évoquant la possibilité d'organiser pareille consultation le chef du gouvernement tente d'amadouer les anti-Maastricht, qui constituent une minorité agissante au sein du groupe parlementaire et de son gouvernement. Mme Theresa Gorman, l'un des huit députés tories exclus il y a trois semaines pour avoir voté contre l'avis du gouvernement sur la question de l'augmentation de la contribution britannique au budget de l'Union européenne, a ainsi déposé une proposition de loi visant à organiser un référendum avant même la tenue de la conférence de 1996 sur l'intégration européenne.
Pacifier le Parti conservateur
Avec une majorité parlementaire réduite à treize voix à la suite de la déroute de son parti lors de l'élection partielle de Dudley West, John Major ne peut se permettre d'ignorer une telle initiative. Certains caciques de la formation au pouvoir depuis 1979 estiment d'ailleurs qu'une telle promesse de référendum est le seul moyen de pacifier une formation plus divisée que jamais à propos de l'orientation de la construction européenne. L'éventualité d'une nouvelle guerilla contre les opposants au traité d'Union européenne est une sombre perspective pour un premier ministre gravement affaibli et dont l'autorité se réduit comme une peau de chagrin.
Le cabinet est lui aussi en train de se replonger de plus belle dans les divisions fratricides. Menés par le chancelier de l'échiquier, Kenneth Clarke, les ministres "europhiles" demandent à M.Major de s'engager publiquement contre tout référendum à propos de la monnaie unique, sauf en cas de dérive "fédéraliste" trop marquée imposée par les partenaires européens du Royaume-Uni. N'empêche, les ministres "eurosceptiques" ne sont pas unis sur la question. Leur chef de file, le ministre de l'emploi, Michael Portillo estime pour sa part, qu'une déclaration solennelle rejetant la monnaie unique permettra de mieux régler ce dossier qu'un référendum. Des élections générales doivent se dérouler au plus tard à la mi-join 1997.
S'il existe une poignée d'"eurosceptiques" au sein du Labour, notamment parmi les députés les plus agés, la volonté délibérée de la majorité du groupe parlementaire de ne pas mettre des bâtons dans les roues du nouveau leader, Tony Blair, largement en tête dans les sondages, a limité l'importance du débat. Le cabinet fantôme (contre-gouvernement) est uni derrière son chef, un européen convaincu mais qui reste volontairement dans le flou sur cette question. Un référendum ne lui paraît nécessaire que si la conférence intergouvernementale de 1996 devait déboucher sur une trop grande intégration des institutions communautaires: "Nous devrons avoir la population avec nous. Il n'est plus possible que les décisions soient prises seulement par des gens assis autour d'une table au cours d'un sommet", déclarait-il récemment à cinq journaux étrangers, dont 'Le Monde'. Favorable depuis longtemps à l'Union européenne, le Parti libéral-démocrate (centriste) s'est rallié, quant à lui, à l'idée d'un référendum en mai 1993 e
n jouant la carte de la défense des libertés face au "déficit démocratique" de l'UE.