M.MITTERRAND SE REFUSE A ETENDRE A L'EUROPE LA DISSUASION NUCLEAIRE DE LA FRANCE

Le Monde, samedi 7 janvier 1995

A moins de cinq mois de son départ de l'Elysée, François Mitterrand a réaffirmé, jeudi 5 janvier, devant l'état-major français au grand complet, venu lui présenter ses voeux de Nouvel An, la doctrine de défense de la France, fondée sur la dissuasion nucléaire qui "est difficilement partageable par nature". "La stratégie dissuasive reste au centre de notre système de défense. Il n'est pas question de changer de stratégie. Il n'est pas question non plus, dans l'immédiat, d'étendre à l'Europe cette stratégie dissuasive", a déclaré M.Mitterrand.

"Pour parler de dissuasion européenne, il faut que des intérêts communs aient été identifiés. Pour l'instant, c'est encore trop flou, c'est un travail pour le siècle prochain", a-t-il expliqué. Le chef de l'Etat n'en a pas moins insisté sur les progrès de la défense européenne. "L'Europe de la défense est en marche, on est allé de progrès en progrès" a-t-il dit, citant les réalisations en cours: corps européen, Euroforce aéromaritime franco-italo-espagnole, Euro-air groupe franco-britannique, agence franco-allemande de l'armement.

A propos de l'Alliance atlantique, M.Mitterrand a rappelé que la France en fait partie, "même si certains feignent de l'oublier", mais qu'elle n'entend pas, pour autant, se "mêler des décisions militaires", sauf, a-t-il dit, "au cas par cas, lorsque nos forces sont engagées". "Les Américains, a ajouté le président de la République, ont longtemps redouté la perspective d'une défense européenne, mais ils ont compris que nos étions de bonne foi. Nous pouvons construire l'Europe de la défense sans desserrer nos liens avec l'Alliance". J.I.