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Colombo Emilio - 15 giugno 1995
Europe : les fausses peurs de l'élargissement
par José-Alain Fralon

(Le Monde, mardi 13 juin 1995)

SIX EN 1957, neuf en 1973, dix en 1981, douze en 1986, quinze aujourd'hui: l'augmentation régulière du nombre des pays membres de l'Union européenne n'est pas finie puisque les experts prédisent pour bientôt une Europe à trente, en comptant les pays d'Europe centrale, les trois Etats baltes, Malte, Chypre.

Ces élargissements successifs inquiètent. D'abord, ceux qui sont dans la place. Le syndrome de la salle d'attente jouant -le dernier arrivé perd sa timidité initiale dès l'entrée d'une nouvelle personne, tout aussi timide-, ce sont souvent les derniers adhérents qui se montrent les plus réticents à ouvrir les portes du club. Si cette inquiétude est partagée par l'ensemble des Européens, qu'ils soient ou non des fanatiques de Maastricht, c'est qu'elle est, apparemment, logique: l'union fait la force, mais l'éparpillement conduit à la dilution, à la cacophonie, à la désagrégation.

La courte histoire de la construction européenne prouve pourtant que, jusqu'à présent, ce raisonnement s'est révélé faux. Les Européens ont fait plus de choses à neuf qu'à six, plus à douze qu'à neuf, et, si les programmes prévus par Maastricht sont réalisés, l'oeuvre accomplie par les Quinze dépassera largement tout ce qui a été réalisé précédemment. Que n'a-t-on dit, pourtant, de la Grande-Bretagne, avec laquelle rien ne serait possible, de l'Espagne, qui ruinerait la politique agricole commune, ou de la Grèce, qui ne respecterait aucune règle commune ? Il ne s'agit pas de mésestimer le travail des pays fondateurs. Sans les bases qu'ils ont fondées, la dynamique qu'ils ont créée, rien n'aurait été possible. Bénéficiant de l'expérience acquise, les suivants, chacun à sa manière, ont, en fait, contribué à conforter ces bases et à accélérer cette dynamique.

Quant aux problèmes "techniques" -de l'inflation des interprètes à la multiplication des lieux de travail-, ils ont, eux aussi, été résolus sans difficultés, pour le plus grand bonheur, certes, des écoles d'interprétariat et des promoteurs immobiliers, mais sans trop grever le budget communautaire. Si Paris valait bien une messe, l'Europe peut bien s'offrir le luxe de nouvelles cabines pour ses traducteurs ou de deux hémicycles pour ses parlementaires.

Cette augmentation progressive du nombre des membres de l'Union a, aussi, permis de vérifier une autre règle: si on laisse de côté les préliminaires à toute négociation, où chaque ministre, ne serait-ce que pour convaincre son opinion publique, pousse ses premiers feux et exacerbe la position de son pays, très vite, deux options se dégagent entre lesquelles il faut choisir. Et le fait d'être trois contre trois, ou neuf contre six, ne change rien au débat. D'autant plus que, tôt ou tard, soit un compromis est trouvé, soit un pays campe sur ses positions, seul contre les autres. Ces dernières années ont montré que la Grande-Bretagne assumait avec constance et détermination ce rôle. Et lorsque Mme Thatcher répétait "I want my money back", sans vouloir entendre raison, peu importait le nombre de pays en face d'elle.

Cette exception britannique montre que les obstacles ne proviennent pas de l'élargissement, comme mécanique perverse, mais bien des pays concernés. Encore que la détermination manifestée aujourd'hui par Londres dans le drame bosniaque est là pour rappeler que la fierté d'un peuple a, aussi, ses mérites.

JUSQU'AUX KOURILES ?

On voit donc mal pourquoi ce qui a réussi jusqu'à présent échouerait du fait de l'entrée dans l'Union de pays comme la Suède, l'Autriche ou Malte. La question se pose, en revanche, pour un éventuel élargissement aux anciens pays communistes d'Europe centrale. Non pas tant du fait de leur retard économique -l'exemple de l'intégration de l'ex-Allemagne de l'Est prouve que c'est avant tout une question de moyens- mais plutôt de la difficulté qu'ils éprouvent à se défaire de quarante-cinq années de communisme qui ont totalement perverti le fonctionnement de la société.

On ne peut, par exemple, occulter la prolifération des mafias, née sur le terreau totalitaire, qui mine tout développement économique concerté et rendrait ingérable, en l'état actuel, une ouverture des frontières. A terme, toutefois, on ne voit pas pour quelles raisons il faudrait tenir à l'écart la Pologne, la Bulgarie, voire l'Albanie.

On voit en revanche mille raisons de considérer comme impossible une entrée de la Russie dans l'Union européenne. Paradoxalement, ceux-là mêmes qui se font les avocats de l'ouverture vers Moscou fournissent, en même temps, la preuve de son impossibilité. De Gaulle, parce qu'il avait le sens de la formule et qu'il ne voyait pas d'un très bon oeil un développement trop rapide de l'Europe communautaire, parlait ainsi de l'Europe de "l'Atlantique à l'Oural". Jean-François Deniau, parce qu'il a le sens de l'humour, voudrait étendre l'Union "de Brest (Bretagne) à Brest (Litovsk)". Est-ce à dire que la Russie accepterait, pour se faire plus "européenne", de se séparer d'une immense partie de son territoire, elle qui ne veut pas entendre parler d'un retour des îles Kouriles au japon et qui considère la Tchétchénie comme "un problème interne" ? Et puis, sauf à être taxé d'"européocentrisme", ce n'est pas faire offense à un pays que de dire tout simplement qu'il n'est pas vraiment européen et qu'il ne veut pas l'

être.

L'élargissement à la Turquie pose des problèmes similaires. Même si ce pays parvient à devenir une réelle démocratie et à régler ses problèmes communautaires, avec les Kurdes notamment, il aspirera toujours à garder son statut de puissance régionale, qui l'entraîne bien au-delà de l'Europe. La Turquie, cliché oblige, restera toujours un pont entre l'Est et l'Ouest, entre le Vieux Continent et l'Asie. C'est un des atouts de sa puissance. C'est aussi un frein à ses ambitions d'être un jour membre à part entière de l'Union. Pourquoi obliger un pays à choisir l'Europe au risque d'amputer une part de lui-même ? L'Europe est, certes, une grande aventure. Il y en a d'autres.

 
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