LE RAPPORT INTERMEDIAIRE DE M. WESTENDORP CONSTATE QUE LE "GROUPE DE REFLEXION" EST MAJORITAIREMENT FAVORABLE A UNE EXTENSION DE LA MAJORITE QUALIFIEE - AUTRES ORIENTATIONS INSTITUTIONNELLES AINSI QUE SUR LA CITOYENNETE EUROPEENNE ET LA SECURITE INTERIEURE (II)
(Agence Europe, le 04 septembre 1995)
- Le "Groupe de réflexion" chargé de préparer la Conférence intergouvernementale de 1996 s'est retrouvé lundi à Bruxelles (il poursuivra ses travaux ce mardi matin). Il aborde à cette occasion, pour la deuxième fois, les questions institutionnelles, ce sur la base du rapport intermédiaire qu'a rédigé le ministre espagnol des Affaires européennes Carlos Westendodorp au terme de la première phase des travaux de réflexion (voir JP du 2 septembre, pp. 3/4). EUROPE présente ci-dessous les orientations dégagées par le président Westendorp dans les deux chapitres de ce document consacrés aux questions institutionnelles ainsi que dans les deux chapitres relatifs au "citoyen dans l'Union' , les parties consacrées à la Pesc et aux instruments au service de l'UE (qui alimenteront les discussions lors des réunions ultérieures du Groupe) seront présentées dans nos prochaines éditions.
I.- Le système institutionnel l'équilibre institutionnel, les institutions.
Le Groupe estime que la réforme institutionnelle doit maintenir le cadre institutionnel unique et respecter l'équilibre institutionnel dans son ensemble, ce qui n'empêche pas que l'on adapte les institutions. Notamment dans la perspective du prochain élargissement, la réforme institutionnelle ne peut plus être différée; une réforme institutionnelle inadéquate mettrait en péril le processus même de la construction européenne. En évoquant le régime des langues, le rapport souligne que le strict respect de l'égalité de traitement des langues officielles (qui n'implique aucune modification du traité) est imposé par la nécessité de respecter la diversité culturelle, la transparence, la sécurité juridique d'une communauté de droit. Piste de réflexion dans ce chapitre: les questions que se posent certains pays membres face au décalage entre le développement institutionnel du volet monétaire de l'UEM et l'insuffisante institutionnalisation de sa dimension économique et sociale.
Le rapport examine ensuite la situation de chacune des institutions:
- Parlement. Il paraît opportun de fixer un nombre maximum de sièges (qui pourraient, comme le suggère le PE lui-même, être 700 dans l'Union élargie), de réaliser rapidement une uniformisation de la procédure électorale et (pour une large majorité) de simplifier la procédure législative en la ramenant à trois procédures (consultation, codécision et avis conforme). Le Groupe estime qu'il faut simplifier la procédure de codécision. Certains souhaitent que le PE puisse exercer un contrôle politique accru (élection du président de la Commission sur une liste proposée par le Conseil) ainsi qu'un renforcement de son rôle dans la lutte contre la fraude. En ce qui concerne les relations avec les parlements nationaux, il y a accord sur le fait de ne pas créerune seconde Chambre, mais il faudra étudier comment mieux les associer aux institutions européennes ainsi que la proposition de création d'un Haut Conseil consultatif sur la subsidiarité formé de délégations de parlementaires nationaux.
- Conseil européen. Ses fonctions doivent être maintenues.
- Conseil. Le Groupe est pour le maintien de ses fonctions actuelles, en renforçant sa capacité d'action. Quant aux mécanismes de décision, il y a consensus sur le maintien de l'unanimité pour la modification du "droit primaire" tandis qu'une majorité se prononce pour l'extension ou la généralisation de la majorité qualifiée pour les décisions concernant le droit dérivé. Un Etat membre récuse ce raisonnement et d'autres plaident pour des exceptions. Des formules intermédiaires entre l'unanimité et la majorité qualifiée sont envisées dans certains cas, et une correction de la pondération du vote à la majorité qualifiée est demandée par certains qui estiment que, selon le système actuel, on pourrait arriver dans une Union élargie à la majorité qualifiée avec un nombre de voix représentant parfois une minorité de la population. D'autres estiment que la pondération des voix devrait davantage s'inspirer du principe de l'égalité des Etats en matière de souveraineté que du facteur population (ils affirment aussi qu
e, en pratique, on n'a jamais connu de coalition systématique entre les pays moins peuplés contre les plus peuplés).
En ce qui concerne l'organisation et les méthodes de travail, une large majorité fait état d'une détérioration progressive et demande que le Conseil "Affaires -générales" (ministres des Affaires étrangères) retrouve son rôle de coordination générale, donnant une cohérence générale aux activités de l'institution. Le Groupe souligne l'importance du rôle de la Présidence et de l'émulation suscitée par la rotation. Mais, dans une Union élargie où la fréquence de la Présidence sera, pour chaque Etat, fortement ralentie, il faudra réfléchir à un système assurant une visibilité accrue; le Groupe envisage à cet égard des formules qui combineraient des éléments de permanence et de rotation (par exemple, la Présidence "collective"), ainsi que l'éventualité de l'élection d'un président ou &un haut représentant de l'Union pour les affaires de politique extérieure.
- Commission. En ce qui concerne ses attributions, le Groupe est favorable au maintien de son monopole de l'initiative législative, mais un membre suggère des mécanismes de limitation (par exemple une "date de péremption" pour les propositions législatives) et un autre suggère que la limitation couvre aussi les dispositions du droit communautaire (mais la grande majorité estime que cette suggestion est incompatible avec une communauté de droit). Quant aux pouvoirs d'exécution, le Groupe est pour le maintien du système actuel, mais souhaite des solutions qui simplifieraient les procédures en ce qui
concerne la comitologie.
Sur le problème épineux de la composition de la Commission, le Groupe discerne deux solutions éventuelles: i) maintien du système "au moins un national de chacun des Etats membres" (avec le risque d'anonymat et de fractionnement dans une Union élargie, il faudrait alors renforcer la cohésion du collège en renforçant le rôle du président et en revoyant la nomination et la censure); ii) l'option d'une Commission réduite au nombre de portefeuilles vraiment nécessaires (entre 12 et 15). Quant au contrôle sur la Commission, certains sont pour un contrôle renforcé par le PE etle Conseil, et pour- la censure individuelle des commissaires.
En ce qui concerne les autres institutions, le Groupe: a) est pour le maintien de fonctions de la Cour de Justice; b) envisage un contrôle accru de la Cour des Comptes sur la gestion des affaires (lutte contre la fraude); c) l'augmentation des compétences législatives du Comité des régions et du Comité économique et social.
Il. - Le citoyen et l'Union: citoyenneté européenne et espace de liberté et de sécurité.
Le Groupe constate que la notion de citoyenneté européenne est perçue de façon différente dans les Etats membres: pour la plupart, elle renforce le sentiment d'appartenance à l'UE, mais pour d'autres, elle est ressentie comme remplaçant et non pas complétant la citoyenneté des Etats. La tendance majoritaire est favorable au développement de la citoyenneté européenne, notamment au niveau du renforcement des droits concrets et à celui de l'application du respect des droits fondamentaux. Le Groupe estime opportun d'introduire dans le traité un article prévoyant une réaction allant jusqu'à l'expulsion d'un Etat membre qui méconnaîtrait les droits de l'homme fondamentaux ou les principes de base. Tous ses membres sont d'accord sur le fait que ces droits devraient comprendre la condamnation expresse du racisme et de la xénophobie et une clause générale de non-discrimination: ceci n'est pas le cas pour l'interdiction de la peine de mort, la protection des minorités et les droits de
caractère socio-économique.
Certains estiment qu'il faudrait insérer un catalogue de droits dans le Traité ou en annexe. En outre, la Cour de Justice a été invitée à donner son avis sur l'adhésion de l'Union (si celle-ci se donne la personnalité juridique) à la Convention européenne des droits de l'homme; une minorité est contre cette adhésion., Le Groupe est en revanche d'accord sur la nécessité d'une plus grande transparence (principe de proximité et de subsidiarité: qui fait quoi ?) et recommande donc la simplification du fonctionnement des institutions et l'amélioration de l'information et de la consultation. Le texte même du traité devrait être simplifié, de manière à devenir accessible aux citoyens qui souhaiteraient l'examiner. Une des questions qui a été posée concerne l'éventuelle instauration d'un référendum européen (dans quels cas?).
En ce qui concerne l'espace de liberté et de sécurité, le Groupe souligne que la perspective du prochain élargissement suppose un changement qualitatif-dans le besoin d'assurer plus efficacement la sécurité. D'accord sur l'importance du problème, les pays ne le sont pas toujours sur l'analyse des causes et sur la méthode à suivre. Une forte majorité estime que les dispositions du titre VI du traité, concernant la sécurité intérieure, sont inadéquates: absence d'objectifs, non-existence d'un cadre normatif et d'un véritable mécanisme institutionnel d'impulsion. Selon ces pays, il faudrait communautariser au moins partiellement ce pilier du traité, en allant au-delà de la coopération intergouvernementale. Pour un grand nombre de ces membres, la communautarisation s'impose en ce qui concerne le régime des étrangers (immigration, asile, contrôle aux frontières extérieures). Un pays membre estime, par contre, que les résultats peu satisfaisants sont dus au manque de pratique et à l'absence de volonté politique, a
insi qu'à la complexité des structures, mais estime que la séparation des piliers estessentielle, sans exclure des formules renforçant la coopération (tous sont d'accord). Le Groupe a examiné l'opportunité d'incorporer Schengen à l'acquis communautaire par un système à géométrie variable, du type "opting out" qui ne rencontre pour l'instant aucune opposition de principe.