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Conferenza Federalismo
Partito Radicale Centro Radicale - 3 novembre 1995
conférence intergouvernementale

VERS L'EUROPE MOLLE

Le péril: accepter un conglomérat sans âme, un ensemble hygiénique dont l'ambition se limitera au confort et à Eurodisney. Seule la France peut arrêter cette dérive.

par Philippe Bénéton

Le Figaro, le 3 novembre 1995

Quelle Europe faisons-nous ? Quelle Europe voulons-nous ? Ces questions sont difficiles et les choses ne sont pas claires. Le choix lui-même est ardu - savons-nous clairement ce que nous voulons ? et les princes qui gouvernent les États européens ne nous facilitent pas la tâche : ils font l'Europe à huis clos, ils font l'Europe à tâtons. Depuis un certain nombre d'années, la construction européenne obéit à deux règles non écrites:

1. Le faux-semblant: faisons tous comme si nous étions d'accord et comme si nous maîtrisions l'avenir, les citoyens n'y verront que du feu.

2. La fuite en avant : nous ne savons pas bien où nous allons, mais nous savons qu'il faut y aller d'un pas décidé: pressons-nous. Il faut tenter de voir plus clair. Quelle Europe faisons-nous, ou plutôt quelle Europe fait-on en notre nom ? Ce qui est en cause, ce n'est pas l'essentiel de ce qui a été accompli depuis quarante ans et qui, en gros, est une réussite éclatante : l'Europe de l'Ouest est devenue une aire de paix (la

guerre civile européenne est terminée) et de prospérité. Ce qui est en cause, c'est la politique en cours.

Irréalisme

Où mène-t-elle ? Elle mène à une grande Europe, une Europe trop vaste pour ne pas être molle, une Europe où, selon toute possibilité les défauts actuels seront portés au carré ou au cube. Déjà, l'Europe fonctionnait mal à douze : des procédures de décision compliquées et obscures, l'emprise de la bureaucratie et de l'irresponsabilité, les peuples hors-jeu, une politique extérieure commune servant d'alibi à l'inaction... Qu'à cela ne tienne, l'Union européenne a accueilli trois nouveaux membres en

1995 et elle est destinée à s'étendre bien davantage : le programme officiel (arrêté en juin 1993) prévoit à terme une Europe de vingt-sept membres. L'irréalisme ici saute aux yeux. Parmi les raisons qui expliquent pourquoi l'Europe tangue depuis quelques années, il y a celle-ci : Il est difficile de décider à douze. Alors à quinze, à vingt, à vingt-sept ? Quelle sera la volonté politique de l'Europe qu'on nous prépare ? Voilà, me semble-t-Il, le risque majeur : l'Europe qui se dessine est une Europe dont la seule volonté politique sera de ne plus avoir de volonté politique. Une Europe à la fois molle et tatillonne où on réglemente à foison mais où on ne gouverne plus, le règne du

consommateur et l'abdication du citoyen, un grand marché, des bureaucrates, le triomphe de l'intendance. Cette Europe est une tentation, celle de sortir de l'Histoire pour jouir de la prospérité. La France, nous dit-on, doit faire l'Europe pour maintenir ou recouvrer son rang. Cette Europe-là signifié l'inverse: l'abandon de toute vocation internationale. La situation présente le montre bien : l'Europe des Quinze, alourdie par ses procédures et ses divergences, est incapable d'avoir unepolitique extérieure ferme. Fera-t-on mieux à vingt ou davantage?

De nouvelles procédures, quelles qu'en soient les subtilités, ne changeront rien à l'essentiel : une Europe politique trop vaste signifie la fin de l'exception française en politique étrangère, l'alignement de notre pays sur nos voisins, dont la plupart n'ont d'autre passion dominante que l'amour de la tranquillité. Déjà, la France a perdu de son influence avec l'extension de l'Union à douze puis à quinze. Faut-il continuer en ce sens ? Il y a davantage encore cette Europe se dirige à grands pas vers une civilisation marchande où s'efface son héritage culturel, où la politique perd ses droits et donc toute forme de maîtrise du

destin commun. Les avocats de la grande Europe font valoir

l'unité de sa civilisation, héritée de la Grèce, de Rome et

du christianisme. Mais Il y a quelque paradoxe à Invoquer

cette civilisation commune quand celle-ci s'effrite, se dilue

et quand la politique proposée ne peut que jouer dans le même sens. Pour contrôler les logiques du marché et des techniques,

pour régler et limiter la mondialisation des échanges, Il faut une volonté politique forte. Il n'y a aucune chance qu'on trouve une telle volonté à la tête de l'ensemble européen qui se prépare. L'Europe qui se fait défait l'Europe. Si cette analyse est juste, la seule Europe qui puisse avoir de la consistance est une petite Europe, une Europe où la France joue un rôle clef. Il faut resserrer l'Europe (avec toutes les formules que l'on voudra pour ménager les susceptibilités des autres pays et

pour les associer là où il est souhaitable) et d'abord resserrer l'Europe des États ou des patries. Pour le reste, Il est urgent de prendre le temps. Ceux des partisans de la grande Europe qui nous font le coup du sens de l'Histoire se contredisent eux-mêmes quand Ils prêchent la précipitation.

Dans cette perspective, le pari le plus raisonnable en ce qui concerne la conférence intergouvernementale de 1996 est celui-ci: ouvrir une grande crise. De Gaulle savait dire non. Le président Chirac sera-t-il digne de son Illustre prédécesseur? Seule la France peut arrêter l'actuelle dérive européenne vers un conglomérat sans âme, où s'éteindra la gloire du continent qui a ensemencé le monde. Ou faudra-t-il se résigner à ce que la France se noie dans un vaste ensemble prospère, fonctionnel, hygiénique dont l'ambition se limite au confort, et aller respirer l'air de la nouvelle Europe à Eurodisney ?

 
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