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Partito Radicale Centro Radicale - 21 novembre 1995
le concept de paix et l'ordre mondial

UNE IDEE A REPENSER

par Jürgen Habermas

Le Monde, le 17 novembre 1995

L'IDÉE d'un état cosmopolitique du monde, développée par Kant dans son Projet de paix perpétuelle (1795), doit être aujourd'hui totalement remaniée et reformulée si l'on veut garder le contact avec une situation mondiale qui s'est transformée radicalement depuis lors. La révision qui s'impose a trait au cadre conceptuel de base. Kant s'était imaginé l'élargissement de l'association des Etats libres comme une cristallisation progressive d'états de plus en plus nombreux autour d'un noyau de Républiques pacifiques d'avantgarde: Car si, par chance, il arrive qu'un peuple puissant et éclairé parvienne à se constituer en République, alors celle-ci servira de centre pour la confédération d'autres Etats qui s'y rattacheront (...) et insensiblement, grâce à plusieurs liaisons de cette espèce, elle s'étendra de plus en plus. En fait, l'organisation mondiale réunit aujourd'hui tous les Etats, en faisant abstraction du caractère républicain ou non de leur Constitution et du fait qu'on y respecte ou non les droits de l'

homme. L'unité politique du monde trouve son expression dans l'Assemblée générale des Nations unies, où tous les gouvernements sont représentés à parts égales. Du point de vue des sciences politiques, le monde s'est décomposé en trois depuis 1917. Mais les symboles des premier, deuxième et tiers mondes ont pris évidemment une autre signification depuis 1989. Le tiers-monde se compose aujourd'hui des territoires où l'infrastructure étatique et le monopole de violence se sont formés de façon si faible (Somalie) ou se sont à tel point désagrégés (Yougoslavie), où les tensions sociales sont si fortes et les seuils de tolérance de la culture politique si bas que les pouvoirs mafieux ou fondamentalistes

viennent en ébranler l'ordre interne. Ces sociétés sont menacées de processus de désagrégation nationaux, ethniques ou religieux. Le deuxième monde, quant à lui, est marqué par l'héritage de pouvoirs politiques empruntés par la décolonisation aux Etats nationaux européens. A l'intérieur, ces Etats compensent, dans la plupart des cas, des rapports instables par des Constitutions autoritaires et se rigidifient, ainsi qu'ils l'ont fait dans la région du Golfe, par exemple, en mettant en avant leur souveraineté et leur non-ingérence. Ils misent sur les pouvoirs militaires et obéissent à la logique de l'équilibre des pouvoirs. Les Etats du premier monde sont les seuls à être en mesure de mettre en accord, jusqu'à un certain point, leurs intérêts nationaux et les normes que fixent les Nations unies.

La politique des Nations unies ne peut tenir compte de ce dont elle a fait abstraction qu'en travaillant à surmonter les tensions sociales ainsi que les déséquilibres économiques. Elle ne peut y parvenir qu'en forgeant un triple consensus au sein de la société mondiale, malgré la stratification de cette dernière: 1. En faisant partager à tous ses membres une conscience historique du caractère de non-contemporanéité des sociétés, dont le sort dépend d'une coexistence pacifique; 2. En produisant un accord normatif sur les droits de l'homme, dont l'interprétation est encore pour le moment sujette à controverses entre Européens, d'une part, et Asiatiques et Africains, d'autre part ;

3. En-créant une entente sur la conception de ce que doit être l'état de paix recherché. Kant pouvait encore se contenter d'un concept négatif de paix. Cela est devenu insatisfaisant, non seulement parce que la conduite de la guerre ne connaît plus de limites, mais aussi, et avant tout, en raison du fait que la naissance de la guerre a des causes sociales. Ainsi que l'ont proposé Dieter et Eva Senghaas, la complexité des causes de la guerre exige qu'on comprenne la paix comme un processus qui se déroule sans violence, non seulement en visant à prévenir toute violence, mais aussi et surtout en visant à remplir les présuppositions réelles d'une vie en commun détendue des groupes et des peuples. Les règlements mis en application ne doivent porter atteinte ni à l'existence des intéressés ni à l'estime qu'ils ont d'eux-mêmes, mais ils ne doivent pas non plus entraver leurs intérêts vitaux ni leurs sentiments de justice au point où les parties en conflit n'auraient plus, après avoir épuisé toutes les possibilités

de procédure, que le choix d'en venir de nouveau aux armes. Chacun connaît les dangers que font courir au monde les déséquilibres écologiques, l'asymétrie dans la répartition du bien-être et de la puissance économique, les grandes technologies, le commerce des armes et en particulier la propagation des armes nucléaires, biologiques et chimiques, le terrorisme et la criminalité due à la drogue, etc. Quiconque ne désespère pas des capacités d'apprentissage du système international doit fonder tous ses espoirs sur le fait objectif que cette globalisation des dangers a fait, depuis longtemps, du monde dans son intégralité une communauté de risques, même si cette communauté s'est constituée de façon bien involontaire

 
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